La glande thyroïde, cette petite structure en forme de papillon située à la base du cou, joue un rôle crucial dans la régulation de nombreuses fonctions vitales de l’organisme. Véritable chef d’orchestre du métabolisme, elle influence la fréquence cardiaque, la température corporelle, le poids, l’humeur et même la fertilité. Lorsque cette glande dysfonctionne, les répercussions se font sentir dans l’ensemble du corps, créant un ensemble de symptômes parfois difficiles à interpréter.
Les troubles thyroïdiens touchent des millions de personnes dans le monde, avec une prévalence particulièrement élevée chez les femmes qui sont dix fois plus susceptibles de développer ces pathologies que les hommes. L’hypothyroïdie et l’hyperthyroïdie représentent les deux principaux déséquilibres hormonaux thyroïdiens, chacun générant des manifestations cliniques distinctes qui nécessitent une approche diagnostique et thérapeutique spécifique.
Anatomie et physiologie thyroïdienne : comprendre les hormones T3 et T4
La thyroïde se compose de deux lobes reliés par un isthme, pesant normalement entre 15 et 20 grammes chez l’adulte. Cette glande endocrine sécrète principalement deux hormones essentielles : la thyroxine (T4) et la triiodothyronine (T3). La T4 représente environ 90% de la production hormonale thyroïdienne, tandis que la T3, bien que moins abondante, possède une activité biologique cinq fois supérieure à celle de la T4.
Le fonctionnement thyroïdien repose sur un système de régulation complexe impliquant l’hypothalamus et l’hypophyse. L’hypothalamus sécrète la TRH (Thyrotropin Releasing Hormone), qui stimule l’hypophyse à produire la TSH (Thyroid Stimulating Hormone). Cette dernière agit directement sur la thyroïde pour stimuler la synthèse et la libération des hormones T3 et T4. Ce mécanisme de rétrocontrôle négatif maintient l’équilibre hormonal : lorsque les taux de T3 et T4 sont suffisants, ils inhibent la production de TSH.
L’iode joue un rôle fondamental dans la synthèse des hormones thyroïdiennes. La thyroïde concentre activement l’iode présent dans l’alimentation, l’incorporant dans la structure moléculaire de la thyroglobuline pour former les hormones. Une carence en iode peut conduire à un goitre et à des dysfonctionnements thyroïdiens, raison pour laquelle de nombreux pays enrichissent le sel de table en iode.
Les hormones thyroïdiennes circulent dans le sang principalement sous forme liée à des protéines de transport, notamment la TBG (Thyroxine Binding Globulin). Seule une faible fraction reste libre et biologiquement active. C’est pourquoi le dosage de la T4 libre constitue un marqueur plus fiable que la T4 totale pour évaluer le statut thyroïdien. Au niveau cellulaire, la T4 est convertie en T3 par l’action d’enzymes déiodinases, permettant l’activation des récepteurs nucléaires thyroïdiens et l’expression des gènes cibles.
Hypothyroïdie : manifestations cliniques et biomarqueurs diagnostiques
L’hypothyroïdie résulte d’une production insuffisante d’hormones thyroïdiennes, entraînant un ralentissement généralisé du métabolisme. Cette condition affecte environ 5% de la population générale, avec une prédominance féminine marquée, particulièrement après la ménopause. Les symptômes de l’hypothyroïdie s’installent généralement de manière insidieuse, rendant parfois le diagnostic difficile dans les phases initiales.
Le tableau clinique de l’hypothyroïdie est dominé par la bradypsychie , caractérisée par un ralentissement des fonctions cognitives et une diminution de la réactivité émotionnelle. Les patients décrivent fréquemment une fatigue persistante, une intolérance au froid et une tendance à la prise de poids malgré une diminution de l’appétit. La peau devient sèche et rugueuse, les cheveux cassants et clairsemés, tandis que la voix peut prendre une tonalité plus grave et rauque.
L’hypothyroïdie non traitée peut évoluer vers le coma myxœdémateux, une complication potentiellement fatale nécessitant une prise en charge d’urgence.
Sur le plan biologique, l’hypothyroïdie primaire se caractérise par une élévation de la TSH accompagnée d’une diminution de la T4 libre. L’hypercholestérolémie constitue une manifestation fréquente, reflétant le ralentissement du métabolisme lipidique. Les enzymes hépatiques peuvent être modérément élevées, et une anémie normochrome normocytaire est parfois observée. Le dosage des anticorps anti-TPO (anti-thyroperoxydase) permet d’identifier une origine auto-immune, notamment dans le cadre d’une thyroïdite d’Hashimoto.
Bradycardie et troubles du rythme cardiaque dans l’insuffisance thyroïdienne
Les manifestations cardiovasculaires de l’hypothyroïdie reflètent l’action directe des hormones thyroïdiennes sur le myocarde et le système vasculaire. La bradycardie sinusale constitue un signe cardinal, avec une fréquence cardiaque souvent inférieure à 60 battements par minute au repos. Cette diminution du rythme cardiaque s’accompagne d’une réduction du débit cardiaque et de la contractilité myocardique.
L’hypothyroïdie peut également favoriser l’apparition de troubles de la conduction auriculo-ventriculaire, notamment des blocs du premier degré. Les patients présentent fréquemment une hypertension artérielle diastolique liée à l’augmentation des résistances vasculaires périphériques. L’épanchement péricardique représente une complication moins fréquente mais significative, pouvant dans certains cas comprimer le cœur et altérer sa fonction.
L’électrocardiogramme révèle typiquement un ralentissement de la fréquence cardiaque, une diminution du voltage des complexes QRS et parfois un allongement de l’intervalle QT. Ces anomalies sont généralement réversibles sous traitement substitutif approprié, soulignant l’importance d’un diagnostic précoce pour prévenir les complications cardiovasculaires à long terme.
Myxœdème cutané et modifications dermatologiques pathognomiques
Le myxœdème cutané constitue l’une des manifestations dermatologiques les plus caractéristiques de l’hypothyroïdie sévère. Cette condition résulte de l’accumulation excessive d’acide hyaluronique et d’autres glycosaminoglycanes dans le derme et l’hypoderme, créant un épaississement cutané particulier qui ne prend pas le godet à la pression, contrairement aux œdèmes classiques.
La peau des patients hypothyroïdiens présente une texture rugueuse et sèche, particulièrement marquée au niveau des coudes et des genoux. L’hypercaroténémie, fréquente dans l’hypothyroïdie, confère à la peau une coloration jaunâtre caractéristique, notamment visible au niveau des paumes et des plantes. Les cheveux deviennent cassants, ternes et clairsemés, avec une perte particulièrement marquée du tiers externe des sourcils, signe pathognomonique de l’hypothyroïdie.
Les modifications des phanères s’étendent également aux ongles, qui deviennent striés, cassants et à croissance ralentie. La diminution de la sudation contribue à la sécheresse cutanée généralisée. Ces manifestations dermatologiques, bien que lentement réversibles sous traitement, peuvent nécessiter plusieurs mois avant une amélioration complète, reflétant le renouvellement progressif des structures cutanées.
Dysfonctionnements cognitifs et syndrome dépressif hypothyroïdien
L’impact de l’hypothyroïdie sur les fonctions cognitives et l’humeur constitue l’un des aspects les plus préoccupants de cette pathologie, particulièrement chez les personnes âgées. La bradypsychie , ou ralentissement de la pensée, se manifeste par des difficultés de concentration, une diminution de la mémoire de travail et une lenteur d’exécution des tâches mentales complexes.
Le syndrome dépressif associé à l’hypothyroïdie présente des caractéristiques particulières, combinant les symptômes classiques de la dépression majeure avec des manifestations spécifiquement liées au déficit hormonal thyroïdien. Les patients décrivent une anhédonie marquée, une fatigue matinale persistante et une diminution de la libido. La labilité émotionnelle peut alterner avec des phases d’apathie profonde.
Les études neuropsychologiques révèlent des altérations spécifiques des fonctions exécutives et de la mémoire épisodique. L’imagerie cérébrale fonctionnelle montre une diminution du métabolisme glucidique dans certaines régions corticales, notamment le cortex préfrontal et les structures limbiques. Ces modifications neurobiologiques expliquent pourquoi certains patients hypothyroïdiens peuvent présenter des symptômes évoquant une démence débutante, d’où l’importance du dépistage thyroïdien dans l’évaluation des troubles cognitifs.
Perturbations métaboliques : hypercholestérolémie et prise pondérale
L’hypothyroïdie entraîne des perturbations métaboliques majeures, affectant principalement le métabolisme lipidique et glucidique. L’hypercholestérolémie constitue une manifestation quasi-constante, touchant jusqu’à 90% des patients hypothyroïdiens. Cette élévation porte principalement sur le cholestérol total et le LDL-cholestérol, résultant d’une diminution de l’activité de la HMG-CoA réductase et des récepteurs hépatiques aux LDL.
La prise de poids, bien que fréquente, reste généralement modérée dans l’hypothyroïdie, contrairement aux idées reçues. Elle résulte davantage d’une rétention hydrosodée et d’un ralentissement du métabolisme de base que d’une accumulation massive de tissu adipeux. Le métabolisme basal peut diminuer de 15 à 40% par rapport aux valeurs normales, expliquant la difficulté de certains patients à maintenir leur poids habituel.
Les perturbations glucidiques incluent une diminution de la sensibilité à l’insuline et un ralentissement de la néoglucogenèse hépatique. Paradoxalement, ces modifications peuvent masquer un diabète préexistant en normalisant temporairement la glycémie. La correction de l’hypothyroïdie peut donc révéler ou aggraver un diabète sous-jacent, nécessitant une surveillance glycémique attentive lors de l’instauration du traitement substitutif.
Hyperthyroïdie : symptomatologie et complications systémiques
L’hyperthyroïdie se caractérise par un excès d’hormones thyroïdiennes circulantes, entraînant une accélération généralisée du métabolisme. Cette condition affecte environ 1% de la population, avec une prédominance féminine marquée. La maladie de Basedow-Graves représente la cause la plus fréquente d’hyperthyroïdie, comptant pour 70 à 80% des cas, suivie par l’adénome toxique et le goitre multinodulaire toxique.
Le tableau clinique de l’hyperthyroïdie associe des signes d’hyperactivation sympathique à des manifestations spécifiquement thyroïdiennes. Les patients présentent typiquement une tachycardie , des palpitations, une intolérance à la chaleur avec hypersudation, un amaigrissement paradoxal malgré un appétit conservé ou augmenté, et une nervosité avec irritabilité marquée. La fatigue, bien que semblant paradoxale dans un contexte d’hyperactivation métabolique, constitue en réalité un symptôme fréquent et invalidant.
Sur le plan biologique, l’hyperthyroïdie se caractérise par une suppression de la TSH accompagnée d’une élévation de la T4 libre et/ou de la T3 libre. Dans les formes frustes, seule la TSH peut être abaissée, définissant l’hyperthyroïdie subclinique. Le dosage des anticorps anti-récepteur de la TSH (TRAb) permet de confirmer l’origine auto-immune dans la maladie de Basedow. La scintigraphie thyroïdienne peut s’avérer nécessaire pour différencier les différentes étiologies d’hyperthyroïdie.
La crise thyrotoxique représente une urgence endocrinologique avec un taux de mortalité pouvant atteindre 20% en l’absence de traitement approprié.
Tachycardie sinusale et fibrillation auriculaire thyrotoxique
Les manifestations cardiovasculaires de l’hyperthyroïdie résultent de l’action directe des hormones thyroïdiennes sur le myocarde et de la sensibilisation aux catécholamines. La tachycardie sinusale constitue le signe le plus précoce et le plus constant, avec une fréquence cardiaque de repos souvent supérieure à 100 battements par minute. Cette accélération persiste durant le sommeil, contrairement aux tachycardies d’origine anxieuse.
La fibrillation auriculaire survient chez 10 à 15% des patients hyperthyroïdiens, avec une prévalence qui augmente significativement avec l’âge. Chez les sujets de plus de 60 ans, cette arythmie peut représenter la manifestation inaugurale de l’hyperthyroïdie. La fibrillation auriculaire thyrotoxique présente la particularité d’être souvent réfractaire aux traitements antiarythmiques classiques tant que l’hyperthyroïdie n’est pas contrôlée.
L’hyperthyroïdie induit également une augmentation du débit cardiaque pouvant atteindre 50 à 300% des valeurs normales, résultant de l’association entre tachycardie et augmentation de la contractilité myocardique. Cette sur
charge peut conduire à une insuffisance cardiaque à débit élevé, particulièrement chez les patients âgés ou porteurs d’une cardiopathie préexistante. L’échocardiographie révèle typiquement une hypertrophie ventriculaire gauche avec hypercontractilité, contrastant avec la dilatation observée dans l’insuffisance cardiaque classique.
Thermogenèse excessive et hyperhidrose palmoplantaire
L’intolérance à la chaleur et l’hypersudation constituent des manifestations pathognomiques de l’hyperthyroïdie, résultant de l’augmentation de la thermogenèse et du métabolisme oxydatif. Les hormones thyroïdiennes stimulent directement la production de chaleur au niveau mitochondrial en découplant la phosphorylation oxydative, entraînant une dissipation énergétique sous forme de chaleur plutôt que de stockage sous forme d’ATP.
L’hyperhidrose palmoplantaire se caractérise par une sudation excessive des paumes et des plantes, souvent accompagnée d’une sensation de moiteur permanente. Cette hypersudation peut s’étendre à l’ensemble du tégument, particulièrement marquée au niveau du visage et du tronc. Les patients décrivent fréquemment une sensation de chaleur interne persistante, les contraignant à porter des vêtements légers même par temps frais.
La vasodilatation cutanée compensatrice contribue à l’augmentation des pertes thermiques, expliquant l’aspect rubicond et chaud de la peau des patients hyperthyroïdiens. Cette vasodilatation périphérique participe également à l’augmentation du débit cardiaque observée dans cette pathologie, créant un cercle d’activation cardiovasculaire auto-entretenu.
Exophtalmie et orbitopathie dysthyroïdienne de basedow
L’orbitopathie dysthyroïdienne représente une manifestation extra-thyroïdienne spécifique de la maladie de Basedow, affectant 25 à 50% des patients. Cette complication auto-immune résulte de l’infiltration inflammatoire des muscles oculomoteurs et des tissus orbitaires par des lymphocytes activés, entraînant un œdème puis une fibrose progressive des structures oculaires.
L’exophtalmie constitue le signe le plus visible, caractérisée par une protrusion bilatérale des globes oculaires dépassant 20 mm selon l’exophtalmomètre de Hertel. Cette protrusion résulte de l’augmentation du volume des tissus rétro-orbitaires, notamment l’hypertrophie des muscles droits inférieurs et médians. Les patients présentent un regard fixe caractéristique avec un élargissement de la fente palpébrale et une rétraction de la paupière supérieure.
Les complications oculaires incluent la diplopie par atteinte des muscles oculomoteurs, la sécheresse oculaire par défaut d’occlusion palpébrale, et dans les cas sévères, une neuropathie optique compressive pouvant conduire à la cécité. L’évolution de l’orbitopathie peut être indépendante de celle de l’hyperthyroïdie, nécessitant parfois un traitement immunosuppresseur spécifique ou une décompression orbitaire chirurgicale.
Amyotrophie proximale et faiblesse musculaire thyrotoxique
La myopathie thyrotoxique constitue une manifestation fréquente de l’hyperthyroïdie, touchant 60 à 80% des patients. Cette atteinte musculaire se caractérise par une faiblesse prédominant sur les muscles proximaux, particulièrement marquée au niveau des ceintures scapulaire et pelvienne. Les patients éprouvent des difficultés pour se lever d’une chaise, monter les escaliers ou lever les bras au-dessus de la tête.
L’amyotrophie proximale résulte de l’accélération du catabolisme protéique induite par l’excès d’hormones thyroïdiennes, dépassant les capacités de synthèse protéique compensatrice. Les examens électromyographiques révèlent un pattern myopathique avec diminution de l’amplitude et de la durée des potentiels d’unité motrice. Les enzymes musculaires restent généralement normales, contrastant avec les myopathies inflammatoires.
La paralysie périodique thyrotoxique représente une complication rare mais grave, prédominant chez les hommes d’origine asiatique. Elle se manifeste par des épisodes de paralysie flasque aiguë des membres, associés à une hypokaliémie sévère. Ces crises surviennent typiquement après un repas riche en glucides ou un effort physique intense, et nécessitent une correction électrolytique urgente ainsi qu’un traitement de l’hyperthyroïdie.
Pathologies thyroïdiennes auto-immunes : hashimoto et maladie de basedow
Les pathologies thyroïdiennes auto-immunes représentent les causes les plus fréquentes de dysfonctionnements thyroïdiens dans les pays industrialisés. Ces affections résultent d’une perte de tolérance immunitaire dirigée contre les antigènes thyroïdiens, conduisant à la production d’auto-anticorps spécifiques. La prédisposition génétique, associée à des facteurs environnementaux déclenchants, joue un rôle déterminant dans le développement de ces pathologies.
La thyroïdite d’Hashimoto et la maladie de Basedow-Graves illustrent parfaitement la dualité des réponses auto-immunes thyroïdiennes. Tandis qu’Hashimoto conduit à la destruction progressive du tissu thyroïdien et à l’hypothyroïdie, Basedow stimule la glande par des anticorps mimant l’action de la TSH, provoquant une hyperthyroïdie. Ces deux pathologies peuvent parfois coexister chez un même patient ou évoluer l’une vers l’autre au cours du temps.
L’évolution des pathologies auto-immunes thyroïdiennes peut être imprévisible, nécessitant une surveillance biologique régulière et une adaptation thérapeutique personnalisée.
Anticorps anti-TPO et thyroglobuline dans la thyroïdite d’hashimoto
La thyroïdite d’Hashimoto se caractérise par la présence d’anticorps dirigés contre deux antigènes thyroïdiens majeurs : la thyroperoxydase (TPO) et la thyroglobuline (Tg). Les anticorps anti-TPO, retrouvés chez 90 à 95% des patients, constituent le marqueur sérologique le plus sensible et spécifique de cette pathologie. Ces anticorps interfèrent avec l’activité enzymatique de la TPO, perturbant la synthèse des hormones thyroïdiennes et favorisant la réaction inflammatoire locale.
Les anticorps anti-thyroglobuline, présents chez 60 à 70% des patients, ciblent la protéine de stockage des hormones thyroïdiennes. Bien que moins spécifiques que les anti-TPO, leur dosage reste utile dans le suivi des patients traités pour un cancer thyroïdien différencié. La coexistence de ces deux types d’anticorps témoigne de l’ampleur de la réponse auto-immune et corrèle généralement avec la sévérité de l’infiltration lymphocytaire glandulaire.
L’évolution des taux d’anticorps peut refléter l’activité de la maladie, bien que leur persistance à des taux élevés ne préjuge pas nécessairement d’une progression vers l’hypothyroïdie clinique. Certains patients conservent une fonction thyroïdienne normale pendant des années malgré la présence d’anticorps, soulignant l’importance d’une surveillance biologique régulière incluant le dosage de la TSH.
Immunoglobulines stimulant le récepteur TSH (TRAb) dans la maladie de basedow
La maladie de Basedow-Graves se distingue par la production d’anticorps dirigés contre le récepteur de la TSH, appelés TRAb (TSH Receptor Antibodies). Ces immunoglobulines de type IgG se lient au récepteur de la TSH et miment son action, stimulant continuellement la thyroïde indépendamment des mécanismes de régulation hypothalamo-hypophysaires normaux.
Les TRAb se subdivisent en plusieurs catégories fonctionnelles : les anticorps stimulants (TSI – Thyroid Stimulating Immunoglobulins) responsables de l’hyperthyroïdie, les anticorps bloquants (TBI – TSH Binding Inhibitory Immunoglobulins) pouvant paradoxalement induire une hypothyroïdie, et les anticorps neutres sans effet fonctionnel direct. Cette hétérogénéité explique pourquoi certains patients peuvent présenter une évolution atypique de leur maladie de Basedow.
Le dosage des TRAb présente une valeur diagnostique et pronostique majeure. Des taux élevés sont associés à un risque accru d’orbitopathie dysthyroïdienne et à une probabilité de rechute plus importante après arrêt du traitement antithyroïdien de synthèse. Le suivi de l’évolution des TRAb permet d’adapter la durée du traitement médical et d’identifier les patients candidats à un traitement radical par iode radioactif ou chirurgie.
Infiltration lymphocytaire et destruction folliculaire auto-immune
L’examen histologique des thyroïdes atteintes de pathologies auto-immunes révèle un infiltrat inflammatoire caractéristique composé principalement de lymphocytes T et B, de plasmocytes et de macrophages. Dans la thyroïdite d’Hashimoto, cet infiltrat est diffus et dense, s’organisant parfois en follicules lymphoïdes avec centres germinatifs, témoignant d’une activation immunitaire locale intense.
La destruction folliculaire progressive résulte de mécanismes cytotoxiques multiples impliquant l’apoptose des thyrocytes médiée par les lymphocytes T cytotoxiques, la cytotoxicité dépendante des anticorps, et la libération de médiateurs inflammatoires. Les thyrocytes survivants présentent souvent des signes de dégénérescence avec transformation oncocytaire caractéristique, donnant l’aspect de cellules de Hürthle.
Dans la maladie de Basedow, l’infiltration lymphocytaire est généralement plus modérée et focale, associée à une hyperplasie folliculaire avec thyrocytes hauts et colloïde raréfiée. Cette différence histologique reflète les mécanismes physiopathologiques distincts : destruction dans Hashimoto versus stimulation dans Basedow. L’évolution vers la fibrose constitue le stade terminal commun, expliquant l’hypothyroïdie définitive observée dans les formes avancées des deux pathologies.
Explorations paracliniques : TSH, T4 libre et échographie cervicale
L’approche diagnostique des dysfonctionnements thyroïdiens repose sur une stratégie hiérarchisée d’explorations biologiques et morphologiques. Le dosage de la TSH constitue l’examen de première intention, sa sensibilité exceptionnelle permettant de détecter les variations même minimes de la fonction thyroïdienne. Les techniques de dosage actuelles permettent d’atteindre une sensibilité fonctionnelle inférieure à 0,01 mUI/L, autorisant la distinction entre suppression complète et partielle de la TSH.
L’interprétation des résultats biologiques doit tenir compte de la cinétique de régulation thyroïdienne. La TSH présente une réponse logarithmique inverse aux variations des hormones libres : une diminution de 50% de la T4 libre entraîne une augmentation de 5 à 10 fois de la TSH. Cette amplification explique pourquoi la TSH constitue le marqueur le plus précoce et sensible des dysfonctionnements thyroïdiens, précédant souvent de plusieurs mois les modifications de la T4 libre.
L’échographie thyroïdienne complète l’évaluation biologique en apportant des informations morphologiques essentielles. Cette technique non invasive permet d’évaluer le volume glandulaire, l’homogénéité du parenchyme, la présence de nodules et leur caractérisation échographique. L’utilisation du Doppler couleur renseigne sur la vascularisation thyroïdienne, particulièrement utile dans le diagnostic différentiel des hyperthyroïdies.
Une TSH normale exclut avec une fiabilité supérieure à 99% un dysfonctionnement thyroïdien significatif chez un patient non traité et en état stable.
Les dosages des hormones libres (T4L et T3L) sont indiqués lorsque la TSH est anormale ou dans certaines situations particulières : grossesse, traitement par amiodarone, dysfonctionnement hypophysaire suspecté. La T3 libre présente un intérêt particulier dans le diagnostic de l’hyperthyroïdie à T3 isolée, forme rencontrée dans 5 à 10% des hyperthyroïdies, notamment chez les sujets âgés avec goitre multinodulaire.
Nodules thyroïdiens et carcinomes différenciés : détection précoce
Les nodules thyroïdiens représentent une pathologie extrêmement fréquente, détectés chez 4 à 7% de la population par la palpation clinique et jusqu’à 50% par échographie cervicale systématique. Cette prévalence élevée contraste avec la rareté relative des cancers thyroïdiens, qui ne représentent que 5 à 10% de l’ensemble des nodules. Cette discordance soulève des enjeux diagnostiques majeurs pour identifier précocement les lésions malignes tout en évitant la sur-médicalisation des nodules bénins.
L’évaluation initiale d’un nodule thyroïdien repose sur l’analyse clinique, biologique et échographique. Les facteurs de risque cliniques incluent les antécédents d’irradiation cervicale, les antécédents familiaux de cancer thyroïdien ou de néoplasie endocrinienne multiple, l’âge extrême (moins de 20 ans ou plus de 70 ans), et le sexe masculin. La croissance rapide, la consistance dure, l’adhérence aux plans profonds et l’existence d’adénopathies cervicales constituent des signes d’alerte cliniques.
L’échographie thyroïdienne avec analyse Doppler constitue l’examen d’imagerie de référence pour la caractérisation des nodules. Les critères échographiques de suspicion maligne incluent l’hypoéchog