L’hypertension artérielle représente aujourd’hui un défi majeur de santé publique, touchant plus de 1,28 milliard d’adultes dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé. Cette pathologie cardiovasculaire, souvent qualifiée de « tueur silencieux » , évolue insidieusement sans symptômes apparents pendant de nombreuses années. En France, près d’un adulte sur trois vit avec une pression artérielle élevée, mais seulement la moitié d’entre eux en a conscience. Cette méconnaissance s’avère particulièrement préoccupante car l’hypertension non contrôlée constitue le principal facteur de risque modifiable d’accidents cardiovasculaires et cérébrovasculaires. La compréhension des mécanismes physiopathologiques complexes qui régissent cette maladie devient donc essentielle pour optimiser sa prise en charge et prévenir ses complications potentiellement fatales.
Physiopathologie et mécanismes de régulation de la pression artérielle
La régulation de la pression artérielle repose sur un équilibre délicat entre plusieurs systèmes physiologiques interconnectés. Cette orchestration complexe implique des mécanismes neurohormonaux, vasculaires et rénaux qui maintiennent normalement la pression artérielle dans des valeurs physiologiques. Lorsque cet équilibre se rompt, l’hypertension artérielle s’installe progressivement, entraînant des modifications structurelles et fonctionnelles durables du système cardiovasculaire.
Les mécanismes de régulation à court terme font appel au système nerveux sympathique et aux barorécepteurs artériels. Ces derniers, situés principalement au niveau de la crosse aortique et des sinus carotidiens, détectent les variations de pression et déclenchent des réflexes compensateurs. À long terme, le rein joue un rôle prépondérant dans le contrôle du volume sanguin circulant et de la balance sodée, influençant directement les valeurs tensionnelles.
Système rénine-angiotensine-aldostérone et vasoconstriction périphérique
Le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) constitue l’un des principaux régulateurs de la pression artérielle et de l’homéostasie hydrosodée. Cette cascade enzymatique débute par la sécrétion de rénine par les cellules juxta-glomérulaires rénales en réponse à une diminution de la perfusion rénale, une baisse de la natrémie ou une stimulation sympathique. La rénine convertit l’angiotensinogène hépatique en angiotensine I, elle-même transformée en angiotensine II par l’enzyme de conversion.
L’angiotensine II exerce des effets vasoconstricteurs puissants sur les artérioles périphériques, augmentant immédiatement les résistances vasculaires systémiques. Elle stimule également la synthèse d’aldostérone par les glandes surrénales, favorisant la rétention hydrosodée au niveau du tube collecteur rénal. Cette hormone possède également des propriétés pro-inflammatoires et pro-fibrotiques, contribuant au remodelage vasculaire et cardiaque observé dans l’hypertension chronique.
Dysfonction endothéliale et production d’oxyde nitrique
L’endothélium vasculaire joue un rôle crucial dans la régulation du tonus artériel par la production de facteurs vasoactifs. L’oxyde nitrique (NO), synthétisé par l’enzyme endothéliale NO synthase, représente le principal facteur vasodilatateur endogène. Cette molécule active la guanylate cyclase dans les cellules musculaires lisses vasculaires, entraînant leur relaxation et la diminution de la pression artérielle.
Dans l’hypertension artérielle, une dysfonction endothéliale précoce altère la production et la biodisponibilité du NO. Cette altération résulte de l’augmentation du stress oxydatif, de l’inflammation vasculaire et de la diminution de l’expression de la NO synthase. Parallèlement, la production de facteurs vasoconstricteurs comme l’endothéline-1 augmente, créant un déséquilibre favorable à la vasoconstriction et à l’élévation tensionnelle persistante.
Hyperactivité du système nerveux sympathique
L’hyperactivité du système nerveux sympathique constitue un mécanisme physiopathologique central dans le développement et le maintien de l’hypertension artérielle. Cette activation excessive se traduit par une augmentation de la libération de noradrénaline au niveau des terminaisons nerveuses sympathiques, influençant directement la fonction cardiaque et vasculaire.
L’hyperstimulation sympathique entraîne une augmentation de la fréquence cardiaque, de la contractilité myocardique et du tonus vasculaire périphérique. Elle stimule également la sécrétion de rénine, activant le SRAA et perpétuant l’élévation tensionnelle. Cette hyperactivité sympathique peut résulter de facteurs génétiques, environnementaux ou pathologiques, notamment l’obésité, l’apnée du sommeil ou le stress chronique.
Résistance à l’insuline et syndrome métabolique
La résistance à l’insuline établit une relation étroite avec l’hypertension artérielle dans le cadre du syndrome métabolique. Cette condition se caractérise par une diminution de la sensibilité des tissus périphériques à l’action de l’insuline, nécessitant une hyperinsulinémie compensatrice pour maintenir une glycémie normale.
L’hyperinsulinémie favorise l’hypertension par plusieurs mécanismes : augmentation de la réabsorption rénale de sodium, stimulation du système nerveux sympathique, et promotion de la croissance des cellules musculaires lisses vasculaires. Ces effets contribuent à l’augmentation du volume plasmatique et des résistances périphériques. La résistance à l’insuline s’accompagne fréquemment d’une dyslipidémie et d’une obésité abdominale, amplifiant le risque cardiovasculaire global.
Classification tensionnelle selon les recommandations ESC/ESH 2023
Les recommandations européennes de 2023 de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) et de la Société Européenne d’Hypertension (ESH) proposent une classification tensionnelle actualisée, tenant compte des données épidémiologiques récentes et des résultats d’études cliniques majeures. Cette classification stratifie le risque cardiovasculaire et guide les décisions thérapeutiques en fonction des valeurs tensionnelles mesurées.
La classification distingue plusieurs catégories tensionnelles : optimale (<120/80 mmHg), normale (120-129/80-84 mmHg), normale haute (130-139/85-89 mmHg), et trois grades d’hypertension. Cette stratification permet d’adapter la prise en charge thérapeutique selon le niveau de risque cardiovasculaire et la présence de comorbidités associées. L’approche individualisée tient également compte de l’âge, du sexe et des facteurs de risque cardiovasculaire additionnels.
Hypertension de grade 1 : seuils 140-159/90-99 mmhg
L’hypertension de grade 1 correspond à des valeurs tensionnelles comprises entre 140-159 mmHg pour la pression systolique et/ou 90-99 mmHg pour la pression diastolique. Cette catégorie représente la forme la plus fréquente d’hypertension artérielle et concerne la majorité des patients hypertendus nouvellement diagnostiqués.
Le grade 1 nécessite une évaluation cardiovasculaire globale incluant la recherche d’atteintes des organes cibles et l’estimation du risque cardiovasculaire total. La décision thérapeutique dépend de la présence de facteurs de risque additionnels, de comorbidités cardiovasculaires ou d’une atteinte des organes cibles. En l’absence de ces éléments, une période d’observation avec mesures hygiéno-diététiques peut être envisagée avant l’introduction d’un traitement médicamenteux.
Hypertension de grade 2 et 3 : critères diagnostiques sévères
L’hypertension de grade 2 se définit par des valeurs tensionnelles de 160-179/100-109 mmHg, tandis que le grade 3 correspond à des pressions ≥180/110 mmHg. Ces formes sévères d’hypertension nécessitent une prise en charge thérapeutique immédiate en raison du risque cardiovasculaire élevé qu’elles représentent.
L’hypertension de grade 3 peut s’accompagner de manifestations cliniques liées à l’atteinte des organes cibles : céphalées, troubles visuels, dyspnée d’effort ou douleurs thoraciques. Ces symptômes doivent faire rechercher une urgence hypertensive nécessitant une hospitalisation et une réduction tensionnelle contrôlée. Le traitement médicamenteux s’avère indispensable dès le diagnostic, souvent sous forme d’associations thérapeutiques pour atteindre rapidement les objectifs tensionnels.
Hypertension systolique isolée chez le sujet âgé
L’hypertension systolique isolée se caractérise par une pression systolique ≥140 mmHg avec une pression diastolique <90 mmHg. Cette forme d’hypertension prédomine chez les sujets âgés en raison de la rigidité artérielle croissante liée au vieillissement vasculaire.
La rigidité des gros troncs artériels entraîne une augmentation de la vitesse de l’onde de pouls et une amplification de la pression systolique centrale. Cette condition augmente significativement le risque d’accidents cardiovasculaires, particulièrement les accidents vasculaires cérébraux et l’insuffisance cardiaque. La prise en charge thérapeutique suit les mêmes principes que l’hypertension systolo-diastolique, avec une attention particulière à l’hypotension orthostatique fréquente dans cette population.
Hypertension masquée et effet blouse blanche
L’hypertension masquée correspond à des valeurs tensionnelles normales en consultation mais élevées lors de mesures ambulatoires ou d’automesure. Cette condition concerne environ 10 à 15% de la population générale et peut passer inaperçue lors d’un suivi médical conventionnel basé uniquement sur les mesures cliniques.
À l’inverse, l’effet blouse blanche se caractérise par des valeurs tensionnelles élevées uniquement en présence du personnel médical, avec des mesures normales en ambulatoire. Ces phénomènes soulignent l’importance de la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) et de l’automesure tensionnelle pour le diagnostic précis de l’hypertension artérielle. Le pronostic cardiovasculaire de l’hypertension masquée se rapproche de celui de l’hypertension permanente, justifiant une prise en charge thérapeutique adaptée.
Facteurs de risque cardiovasculaire et comorbidités associées
L’hypertension artérielle s’intègre dans un contexte plus large de facteurs de risque cardiovasculaire interconnectés. Cette approche multifactorielle permet d’évaluer le risque cardiovasculaire global et d’adapter la stratégie thérapeutique en conséquence. Les facteurs de risque se divisent en deux catégories : les facteurs non modifiables (âge, sexe, hérédité) et les facteurs modifiables (tabagisme, dyslipidémie, diabète, obésité, sédentarité).
L’évaluation du risque cardiovasculaire utilise des échelles de calcul validées comme le score SCORE2 ou les équations de Framingham. Ces outils intègrent les principaux facteurs de risque pour estimer la probabilité d’événements cardiovasculaires à 10 ans. Cette approche permet de personnaliser les objectifs tensionnels et l’intensité du traitement selon le profil de risque individuel. L’association de plusieurs facteurs de risque multiplie exponentiellement le risque cardiovasculaire, justifiant une approche thérapeutique globale et intensive.
Les comorbidités fréquemment associées à l’hypertension comprennent le diabète de type 2, la dyslipidémie, l’obésité, le syndrome d’apnée du sommeil et la maladie rénale chronique. Cette clustering de facteurs de risque s’observe particulièrement dans le cadre du syndrome métabolique. La prise en charge optimale nécessite une approche multidisciplinaire ciblant simultanément tous les facteurs de risque modifiables. Cette stratégie globale permet de maximiser la réduction du risque cardiovasculaire et d’améliorer le pronostic à long terme des patients hypertendus.
Techniques diagnostiques et mesure ambulatoire de la pression artérielle
Le diagnostic de l’hypertension artérielle repose sur une méthodologie rigoureuse de mesure tensionnelle, utilisant différentes techniques complémentaires pour obtenir une évaluation précise du profil tensionnel. Cette approche diagnostique multi-modale permet de distinguer l’hypertension vraie des variations tensionnelles physiologiques et des artéfacts de mesure.
La variabilité tensionnelle représente un phénomène physiologique normal, influencé par de nombreux facteurs : activité physique, stress émotionnel, position, température ambiante, consommation de caféine ou de tabac. Cette variabilité naturelle impose la répétition des mesures dans des conditions standardisées pour établir le diagnostic avec certitude. Les recommandations actuelles préconisent la confirmation diagnostique par des mesures ambulatoires ou l’automesure tensionnelle, réduisant significativement les erreurs diagnostiques liées à l’effet blouse blanche ou à l’hypertension masquée.
MAPA des 24 heures et profil nycthéméral
La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) constitue l’examen de référence pour le diagnostic et l’évaluation de l’hypertension artérielle. Cette technique enregistre automatiquement la pression artérielle pendant 24 heures, généralement toutes les 15 minutes le jour et toutes les 30 minutes la nuit, fournissant une cartographie complète du profil tensionnel.
L’analyse du profil nycthéméral révèle des informations pronostiques importantes. Les sujets dippers présentent une baisse tensionnelle nocturne physiologique >10%, tandis que les non-dippers (<10% de baisse) et
les reverse dippers (élévation tensionnelle nocturne) présentent un risque cardiovasculaire accru. Le profil non-dipper s’observe fréquemment chez les patients diabétiques, insuffisants rénaux chroniques ou atteints d’apnée du sommeil.
La MAPA permet également d’évaluer la variabilité tensionnelle, marqueur pronostique indépendant d’événements cardiovasculaires. Une variabilité excessive reflète souvent une dysfonction du système nerveux autonome ou une rigidité artérielle accrue. Les seuils diagnostiques diffèrent des mesures cliniques : hypertension si moyenne diurne ≥135/85 mmHg, nocturne ≥120/70 mmHg, ou sur 24h ≥130/80 mmHg. Cette technique s’avère particulièrement utile pour l’ajustement thérapeutique et l’évaluation de l’efficacité antihypertensive sur l’ensemble du nycthémère.
Automesure tensionnelle et dispositifs validés ANSM
L’automesure tensionnelle représente une technique accessible et fiable pour le diagnostic et le suivi de l’hypertension artérielle. Cette méthode permet au patient de réaliser des mesures tensionnelles à domicile avec un tensiomètre électronique validé, éliminant l’effet blouse blanche et offrant une vision plus représentative de la pression artérielle habituelle.
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) maintient une liste de dispositifs d’automesure validés selon des protocoles internationaux rigoureux. Ces appareils doivent répondre aux normes de la British Hypertension Society (BHS) ou de l’Association for the Advancement of Medical Instrumentation (AAMI). Le protocole d’automesure recommande la règle des 3 : 3 mesures consécutives matin et soir, pendant 3 jours, avec calcul de la moyenne des 18 mesures obtenues.
Les avantages de l’automesure incluent la reproductibilité des conditions de mesure, l’amélioration de l’observance thérapeutique et la détection précoce des variations tensionnelles. Cette technique présente une excellente corrélation avec la MAPA et un pouvoir prédictif cardiovasculaire supérieur aux mesures cliniques. Les seuils diagnostiques pour l’automesure correspondent à ≥135/85 mmHg, identiques aux moyennes diurnes de la MAPA.
Mesure clinique standardisée selon protocole BHS
La mesure clinique de la pression artérielle suit un protocole standardisé selon les recommandations de la British Hypertension Society pour garantir la fiabilité et la reproductibilité des résultats. Cette standardisation minimise les sources d’erreur et améliore la qualité diagnostique des mesures réalisées en consultation.
Le protocole BHS impose des conditions strictes : repos de 5 minutes en position assise, brassard adapté au tour de bras, positionnement à hauteur du cœur, et silence complet pendant la mesure. Le choix du brassard s’avère crucial : un brassard trop petit surestime la pression de 10 à 40 mmHg, tandis qu’un brassard trop large la sous-estime. La circonférence du bras détermine la taille appropriée : standard (22-32 cm), large (32-42 cm) ou extra-large (>42 cm).
La technique recommande trois mesures successives espacées de 1 à 2 minutes, avec calcul de la moyenne des deux dernières valeurs. Cette méthode réduit l’impact de l’effet d’alerte et améliore la précision diagnostique. L’utilisation d’appareils automatiques oscillométriques validés présente l’avantage d’éliminer les biais d’interprétation liés à la méthode auscultatoire traditionnelle. La calibration régulière des dispositifs garantit la maintenance de leur précision dans le temps.
Arsenal thérapeutique et stratégies médicamenteuses actuelles
L’arsenal thérapeutique antihypertenseur moderne comprend cinq classes principales de médicaments, chacune ciblant des mécanismes physiopathologiques spécifiques de l’hypertension artérielle. Cette diversité thérapeutique permet une approche personnalisée selon le profil du patient, ses comorbidités et sa réponse au traitement. Les recommandations actuelles privilégient une stratégie de bithérapie d’emblée pour la majorité des patients, optimisant l’efficacité antihypertensive tout en minimisant les effets indésirables.
La sélection thérapeutique tient compte de multiples facteurs : âge, origine ethnique, présence de diabète, d’insuffisance cardiaque ou rénale, et profil de tolérance individuel. Cette approche individualisée maximise les chances d’atteindre les objectifs tensionnels tout en préservant la qualité de vie des patients. L’évolution vers des associations fixes facilite l’observance thérapeutique, facteur déterminant du succès du traitement antihypertenseur.
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion et sartans
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II ou sartans) constituent les piliers du traitement antihypertenseur moderne. Ces deux classes thérapeutiques ciblent le système rénine-angiotensine-aldostérone à des niveaux différents, offrant une efficacité antihypertensive comparable avec des profils de tolérance distincts.
Les IEC bloquent la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II, réduisant la production de cette hormone vasoconstrictrice. Outre leur effet antihypertenseur, ils exercent des propriétés cardioprotectrices et néphroprotectrices documentées dans de nombreuses études cliniques. Les IEC réduisent la morbi-mortalité cardiovasculaire chez les patients hypertendus, particulièrement en cas d’insuffisance cardiaque, de post-infarctus ou de néphropathie diabétique. Leur principal effet indésirable, la toux sèche, survient chez 10 à 15% des patients et nécessite parfois l’arrêt du traitement.
Les sartans bloquent spécifiquement les récepteurs AT1 de l’angiotensine II, offrant une inhibition plus complète du système rénine-angiotensine. Ils présentent l’avantage d’une excellente tolérance, sans induction de toux, et d’une protection cardiovasculaire équivalente aux IEC. Ces médicaments s’avèrent particulièrement utiles chez les patients intolérants aux IEC ou nécessitant une approche thérapeutique mieux tolérée. Certains sartans possèdent des propriétés pharmacologiques spécifiques, comme l’effet uricosurique du losartan ou la longue demi-vie du telmisartan.
Diurétiques thiazidiques et antagonistes calciques
Les diurétiques thiazidiques et apparentés représentent une classe thérapeutique de première ligne dans le traitement de l’hypertension artérielle, particulièrement efficace chez les patients âgés et d’origine africaine. Ces médicaments agissent en inhibant le co-transporteur sodium-chlorure du tube contourné distal, favorisant l’élimination sodée et la réduction du volume circulant.
L’effet antihypertenseur des diurétiques thiazidiques s’exerce initialement par la déplétion volémique, puis par une vasodilatation directe dont les mécanismes demeurent partiellement élucidés. L’hydrochlorothiazide (HCTZ) et l’indapamide constituent les représentants les plus utilisés, ce dernier présentant l’avantage d’études de morbi-mortalité spécifiques. Les diurétiques thiazidiques potentialisent l’efficacité des autres classes antihypertensives, justifiant leur inclusion fréquente dans les associations fixes.
Les antagonistes calciques bloquent les canaux calciques voltage-dépendants de type L, induisant une vasodilatation artérielle directe. Cette classe se divise en deux sous-groupes : les dihydropyridines (amlodipine, félodipine, lercanidipine) à tropisme vasculaire préférentiel, et les non-dihydropyridines (vérapamil, diltiazem) à effet cardiaque prédominant. Les dihydropyridines constituent le traitement de première ligne, particulièrement efficaces chez les patients âgés présentant une hypertension systolique isolée.
Bêtabloquants et indications spécifiques
Les bêtabloquants occupent une place particulière dans l’arsenal thérapeutique antihypertenseur, avec des indications préférentielles bien définies. Ces médicaments bloquent les récepteurs bêta-adrénergiques, réduisant la fréquence cardiaque, la contractilité myocardique et la libération de rénine. Leur effet antihypertenseur résulte de ces mécanismes combinés, avec une efficacité variable selon les sous-populations de patients.
Les indications préférentielles des bêtabloquants incluent l’hypertension associée à une maladie coronaire, une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite, une fibrillation atriale ou un antécédent d’infarctus du myocarde. Dans ces contextes cliniques, les bêtabloquants apportent un bénéfice pronostique démontré au-delà de leur seul effet antihypertenseur. Le nébivolol et le carvédilol, dotés de propriétés vasodilatatrices additionnelles, présentent un profil métabolique plus favorable que les bêtabloquants conventionnels.
La sélection d’un bêtabloquant tient compte des contre-indications (asthme, BPCO sévère, troubles de conduction) et des effets métaboliques potentiels. Ces médicaments peuvent masquer les signes d’hypoglycémie chez les diabétiques et altérer le profil lipidique. Cependant, leurs bénéfices cardiovasculaires dans les indications appropriées surpassent largement ces inconvénients potentiels. L’arrêt des bêtabloquants doit toujours s’effectuer progressivement pour éviter un effet rebond dangereux.
Associations fixes et observance thérapeutique
Les associations fixes combinant plusieurs principes actifs antihypertenseurs dans un même comprimé révolutionnent la prise en charge de l’hypertension artérielle. Cette approche thérapeutique répond aux recommandations actuelles préconisant une bithérapie d’emblée chez la majorité des patients hypertendus. L’utilisation d’associations fixes améliore significativement l’observance thérapeutique, facteur déterminant du succès du traitement antihypertenseur.
Les combinaisons les plus prescrites associent un IEC ou un sartan à un diurétique thiazidique ou un antagoniste calcique. Ces associations exploitent la complémentarité des mécanismes d’action et la potentialisation de l’effet antihypertenseur. Par exemple, l’association IEC/diurétique prévient l’hypokaliémie induite par le diurétique grâce à l’effet antialdostérone de l’IEC. De même, l’association sartan/antagoniste calcique combine efficacité antihypertensive et excellent profil de tolérance.
L’observance médicamenteuse représente un défi majeur dans le traitement de l’hypertension artérielle, maladie asymptomatique nécessitant un traitement au long cours. Les études démontrent qu’une mauvaise observance concerne 30 à 50% des patients hypertendus, compromettant l’efficacité thérapeutique et augmentant le risque cardiovasculaire. Les associations fixes réduisent le nombre de prises quotidiennes, simplifient le schéma thérapeutique et améliorent la perception du traitement par le patient.
Complications cardiovasculaires et atteinte des organes cibles
L’hypertension artérielle non contrôlée entraîne des complications cardiovasculaires majeures par l’atteinte progressive des organes cibles. Cette évolution silencieuse mais inexorable justifie l’importance du diagnostic précoce et du contrôle tensionnel optimal. Les organes cibles principaux incluent le cœur, le cerveau, les reins, les vaisseaux et la rétine, chacun présentant des manifestations spécifiques liées à l’agression chronique par l’hypertension artérielle.
L’évaluation de l’atteinte des organes cibles fait partie intégrante du bilan initial de tout patient hypertendu. Cette recherche influence directement la stratification du risque cardiovasculaire et l’intensité de la prise en charge thérapeutique. La détection précoce de ces atteintes, souvent asymptomatiques, permet d’adapter le traitement avant l’apparition de complications cliniquement manifestes et potentiellement irréversibles.
Au niveau cardiaque, l’hypertension artérielle provoque une hypertrophie ventriculaire gauche compensatrice à la surcharge de pression. Cette adaptation initialement bénéfique évolue progressivement vers une dysfonction diastolique puis systolique, aboutissant à l’insuffisance cardiaque. L’électrocardiogramme et l’échocardiographie permettent de détecter ces modifications structurelles et fonctionnelles avant l’apparition des symptômes cliniques.
L’atteinte vasculaire se manifeste par l’épaississement de l’intima-média carotidienne, la formation de plaques athéroscléreuses et l’augmentation de la rigidité artérielle. Ces modifications altèrent la fonction endothéliale et favorisent les événements thrombotiques. La mesure de la vitesse de l’onde de pouls et l’échographie des troncs supra-aortiques constituent des examens de référence pour évaluer l’atteinte vasculaire précoce.
Au niveau rénal, l’hypertension artérielle induit une néphrosclérose progressive caractérisée par la sclérose des artérioles et glomérules. Cette atteinte se traduit initialement par une microalbuminurie, puis évolue vers une protéinurie et une insuffisance rénale chronique. Le dosage de la créatinine sérique, l’estimation du débit de filtration glomérulaire et la recherche d’une protéinurie constituent des marqueurs sensibles de l’atteinte rénale hypertensive.
L’atteinte rétinienne, révélée par l’examen du fond d’œil, reflète l’état de la microcirculation systémique. Les signes de rétinopathie hypertensive incluent le rétrécissement artériolaire, les croisements artério-veineux pathologiques, les hémorragies